Un mois après le week-end d’expression créatrice organisé par l’association à l’attention des jeunes femmes ayant eu un cancer ACC, voici la carte que nous avons reçue :
Chères amies,
Je vous souhaite une bonne et heureuse année 2008. Que personnellement ou pour l’association vous ayez tout ce que vous pouvez souhaiter.
Vous nous aviez dit que nous pouvions vous envoyer notre témoignage. C’est ce que je fais. Je ne sais pas si vous pourrez le publier dans « la lettre » mais j’ai pris plaisir à l’écrire.
Je vous embrasse,
Evelyne.
Six pages manuscrites étaient jointes… :
J’ai 44 ans. Je suis une fille D.E.S.. J’ai eu un cancer ACC il y a 18 ans.
Je viens de participer à la rencontre des 1er et 2 décembre 2007 organisée pour nous. Un moment merveilleux, des filles uniques et super sympa avec pour moi la tristesse d’être partie avant la fin pour prendre mon train (Merci les filles, j’ai trouvé la gare).
Suite à cette journée, j’ai eu envie de vous raconter mon expérience et ma maladie.
J’ai eu une enfance heureuse avec l’envie d’avoir des frères et des sœurs mais maman avait fait 3 fausses couches et je suis restée fille unique. Ce n’est que plus tard quand j’ai été moi-même enceinte qu’elle m’a dit avoir pris du Stilboestrol-Borne® pendant les 6 premiers mois de sa grossesse.
Je me suis mariée à 23 ans. Je n’avais pas de problèmes de santé particuliers. Notre envie de fonder une famille était là. A 26 ans, j’étais prête. J’ai arrêté la pilule en janvier et en septembre j’étais enceinte. Nous étions tous heureux. Nous partons en vacances et au retour, catastrophe, je fais une fausse couche.
Enfin, je dis catastrophe, mais cet enfant me sauve la vie. Le gynécologue s’aperçoit de suite qu’il y a quelque chose qui ne va pas et me fait un prélèvement. Quelques jours plus tard, il téléphone à la maison et veut nous voir le soir même.
J’ai peur.
Nous allons au rendez-vous et là il nous explique que c’est grave. (nous sommes le jeudi soir) et qu’il a déjà pris rendez-vous à Toulouse pour moi. Je suis attendue le lundi matin à 9 h au centre Claudius Regaud.
Lundi.
Nous arrivons, prise de sang, petit déjeuner, radio et rendez-vous avec le docteur. Durant toute la semaine l’on me fait plusieurs examens, des prélèvements…
Le jeudi soir, on me laisse revenir chez moi et j’ai rendez-vous pour la semaine suivante pour subir une opération. Ils vont déplacer mes ovaires pour que la curiethérapie prévue par la suite ne les abîme pas.
J’en garde comme souvenir une longue cicatrice au bas du ventre, bien faite pour mettre un bikini comme m’avait dit le docteur.
Au bout de 5 jours, je repars chez moi et j’attends un coup de téléphone pour commencer les rayons. Trois jours après le rendez vous est pris pour la semaine suivante.
En arrivant nous allons à la chambre plombée où je vais passer 6 jours.
Heureusement que l’on m’avait déjà fait visiter ce service avant. D’après les différents examens et le scanner, ils ont prévu le temps de la curiethérapie à l’heure près.
Vendredi matin 8 h, salle d’opération, anesthésie (la 4ème en 4 semaines). L’on me place à l’intérieur du vagin un appareil qui a été fait sur mesure avec un moulage quelques jours avant. L’on me referme avec des points pour que l’appareil tienne bien en place et brûle le bon endroit.
Retour dans ma chambre. Le réveil est douloureux mais pour la première fois après anesthésie, je ne suis pas malade. J’ai mal aux genoux. Une dame très gentille m’y glisse une couverture pliée dessous. Dès que je bouge la douleur m’envahit. J’ai l’impression d’avoir un fer à repasser chaud dans le bas du ventre et le moindre mouvement est difficilement supportable.
L’infirmière m’explique que je peux avoir une piqûre pour me calmer toutes les 3 heures et le soir une de plus pour dormir. La télévision marche, le téléphone aussi, je lis un peu, le temps passe. Mes meilleurs moments sont ceux où ma cousine vient me voir. Elle habite Toulouse et a le courage et la gentillesse de venir souvent. Merci. Je m’habitue à la douleur. J’essaie de retarder le plus possible les piqûres. Cela ne m’empêchera pas de perdre le sommeil pendant quelque temps.
Le dimanche matin, ils me descendent avec mon lit pour passer un nouveau scanner. Personne dans les couloirs, tout le monde porte un grand tablier de plomb. Retour dans ma chambre. Tout se passe comme prévu. Cette promenade m’a épuisée mais le temps va passer plus vite.
On m’enlève ma machine dans la nuit de lundi à mardi à 4h du matin. Ce dernier jour est pénible. Ma cousine vient, j’ai honte qu’elle m’approche. Je sens mauvais. Je sens « le brulé » ou c’est dans ma tête.
Mardi 3h30. Trois personnes viennent me chercher. Il fait noir. J’ai froid. Nous arrivons dans la salle d’opération. Elles ont du mal à me mettre sur la table. La douleur est là. Une me tient les mains et me parle gentiment. Une autre enlève les points. Puis vient le moment où il faut enlever cette chose qui me brûle. Elle a du mal à l’attraper. Ca ne veut pas sortir. Elle me disent de pousser fort. Ca y est. J’ai enfin accouché de cette machine. Je tremble, je ne peux pas m’arrêter. C’est le froid, la douleur, le relâchement de mon corps.
Elles sont merveilleuses. Elles attendent que je me calme, me lave, me change, je peux même avec leur aide me remettre dans mon lit. Enfin je peux dormir. Personne ne me réveille ni pour le thermomètre, ni pour déjeuner. Ce n’est que dans je sonne que quelqu’un vient. La consigne était de me laisser tranquille. Je mange, je peux bouger. Je me lève doucement, ça tourne un peu. Six jours couchée avec un régime sans résidu et une sonde urinaire. Je rentre dans la salle de bain. Heureusement il y a un tabouret que je met dans la douche et je laisse couler l’eau chaude sur moi un grand moment en même temps que mes larmes. Il ne faut pas encore que je fasse de toilette intime, mais que ça fait du bien.
Je peux sortir le lendemain. Nous sommes le 21 décembre. Cette année je ne pourrais pas préparer le repas de Noël. Je suis trop fatiguée. Nous allons au magasin. La vendeuse s’énerve contre ces gens qui s’y prennent au dernier moment. J’ai envie de lui dire d’où je viens mais je n’ose pas.
Mes ovaires marchent bien. Je reprends mon travail 6 mois après. Deux ans plus tard, j’ai une grosseur d’un côté. J’ai peur. Ce n’est qu’un kyste sur un ovaire. Il faut tout enlever. Un an après nous ne savons pas pourquoi, l’autre ovaire s’arrête de fonctionner. Je suis ménopausée. J’ai 29 ans.
J’ai un traitement hormonal depuis 14 ans. Je vais toujours à Toulouse une fois par an. Cette année, pour la première fois, le docteur m’a dit que je pouvais me considérer comme guérie mais je veux vous revoir dans un an m’a-t-il dit.
Un an après tout ça nous avons entamé une procédure d’adoption et nous sommes les heureux parents de jumeaux qui viennent d’avoir 12 ans. Ce témoignage est un peu long, peut-être un peu dur pour certaines d’entre vous, d’autres vont s’y retrouver un peu.
Depuis dix-huit ans c’est la première fois que je revis mon histoire dans ma tête. Après la rencontre des 1er et 2 décembre et le retour chez moi le dimanche, le lundi ma tête était à Toulouse il y a 18 ans. Le mardi j’étais de nouveau à Paris et le mercredi je revenais enfin ici avec l’envie de vous raconter mon parcours.
Il m’a fallu plusieurs jours pour y arriver mais je suis contente de l’avoir fait.
Merci à toutes les filles que j’ai rencontrées.
Merci à mon mari Christian d’être resté et de m’avoir soutenue.
Merci à ma famille, mes amis. Merci Pascale et Jean-Marc, à mes parents, à toi Maman ne culpabilise pas. Tu n’y es pour rien.
Evelyne