Bonjour,
Bien qu’étant « fille Distilbène », j’ai 3 enfants nés à terme en bonne santé en 1987, 1990 et 1993 et je mesure ma grande chance.
Quand ma mère était enceinte de moi en 1958, elle a continué à avoir des sortes de règles pendant quelques mois.
Le médecin qui suivait sa grossesse, craignant une fausse couche, lui a prescrit le repos avec un arrêt maladie et du Distilbène.
Ma mère était institutrice et adorait son métier. Elle n’aimait pas les médicaments. De plus, à cette époque avant pilule, la crainte des femmes était plus de tomber enceinte trop souvent que de faire des fausses couches. Elle a donc suivi pendant une semaine ou deux seulement les recommandations de son médecin.
Ce fut ma première chance. Ensuite, elle a jeté les comprimés de Distilbène qui lui restaient et elle est repartie travailler en se disant « si ce bébé veut rester tant mieux, sinon tant pis ». Je suis restée et née à terme.
Plus tard, ma mère m’a informée qu’elle avait pris ce médicament et que cela pouvait avoir une incidence sur ma fertilité. Mais cela ne me préoccupait pas trop alors.
Comme ensuite je suis tombée enceinte facilement de mon premier enfant, je pensais être à l’abri des nuisances de ce médicament, et je n’y pensais plus. Par chance, parce qu’une amie me l’avait conseillé et que j’habite à Paris, j’ai décidé de faire suivre ma grossesse à l’hôpital Saint-Vincent de Paul dans le service du Pr Michel Tournaire.
Je n’avais même pas pensé à dire à la sage-femme qui me suivait que ma mère avait pris du Distilbène.
Ma première grossesse s’est bien passée jusqu’au 7ème mois. A 7 mois, j’ai commencé à avoir des contractions et le col s’est ouvert. Je n’ai pas vu le lien avec le Distilbène, cela arrive à d’autres femmes à ce terme de la grossesse. Je suis restée couchée un mois et mon fils est né à terme à 8 mois et 15 jours.
Ensuite, quand je suis tombée enceinte de ma fille, 3 ans plus tard, ma grossesse a été beaucoup plus difficile : à 4 mois, j’ai eu des contractions et le col s’est brusquement ouvert à 6cm, alors que deux semaines plus tôt la consultation n’avait rien décelé d’anormal. Il faut parfois des heures de travail à une femme “normale“ pour avoir le col ouvert à 6. C’était inexplicable. C’est alors que la sage-femme qui me suivait m’a interrogée et je lui ai parlé du Distilbène que ma mère avait pris. Mais c’était trop tard pour des mesures préventives. L’équipe a essayé un cerclage qui n’a pas marché. Je suis restée couchée 4 mois avec l’angoisse d’avoir un enfant prématuré. La seule autorisation de me lever, c’était une fois par mois pour la consultation à l’hôpital. En août, la jeune sage-femme qui remplaçait ma sage-femme habituelle n’a pas voulu prendre le risque de me laisser repartir chez moi et je suis restée hospitalisée un mois à Saint-Vincent de Paul pour une surveillance encore plus stricte. Je n’avais pas le droit de me lever du tout cette fois, même pour aller aux toilettes. J’avoue que je ne respectais pas cette consigne. Quand on est couchée toute la journée et toute la nuit, aller au bout du couloir se soulager est un vrai voyage, une aventure ! Je ne regrette pas une seconde ces 4 mois d’immobilité forcée, puisque ma fille est née début octobre, avec 2 semaines d’avance seulement sur la date prévue.
Pour mon troisième enfant, j’étais une femme avertie, je suis allée consulter dès le tout début de ma grossesse et j’ai été suivie par le Pr Michel Tournaire lui-même. Cette fois, le cerclage a été réalisé avant l’ouverture du col. Et j’ai pu vivre une grossesse normale, même si je prenais beaucoup de précautions : pas de voiture, pas de longs voyages. J’ai été arrêtée assez tôt. Je faisais beaucoup de choses assise ou couchée parfois. Mais j’ai pu continuer à m’occuper de mes 2 premiers enfants. Et mon troisième enfant est lui aussi né à terme.
Ce témoignage d’une histoire plutôt heureuse montre la violence de ce médicament : des doses faibles, un traitement interrompu, peuvent conduire quand même à des malformations importantes. Et seule la chance dont j’ai bénéficié, d’abord quand ma mère a arrêté d’elle-même son traitement, puis quand j’ai choisi l’hôpital Saint-Vincent de Paul pour mon suivi de grossesse, m’a permis d’avoir ces 3 grossesses menées à terme.
Françoise