Sandrine, dont le témoignage avait été publié sur le blog de Domino (DES Daughter Network), a souhaité que nous nous en fassions également l’écho. On ne “s’improvise pas” victime du distilbène si on n’a pas au moins un élément prouvant un lien avec celui-ci, dit Sandrine.
Mon procès a débuté en avril 2011, le délibéré à été rendu en juillet 2014. Quant à l’expertise médicale, elle a eu lieu en mars 2012.
Il a été retenu : ménopause précoce, utérus hypoplasique en T typique du DES, deux grossesses extra-utérine avec salpingectomie (en 2005 et 2007), les conséquences de la 2ème grossesse extra-utérine – un hémopéritoine majeur ayant nécessité une transfusion sanguine, un séjour en réanimation pour syndrome de CIVD (coagulation intravasculaire disséminée), avec une anémie sévère ayant nécessité d’autres transfusions sanguines – , une dépression suivie d’une tentative de suicide, l’infertilité.
Pour agir en justice, on a 10 ans, à partir d’une certaine date, dite « de consolidation ». Pour moi, les experts l’ont fixée à 2012, l’année de l’expertise.
Ce qui a joué un rôle très important au cours du procès, c’est que j’avais les ordonnances de ma mère stipulant la prescription du Stilboestrol, c’est-à-dire le DES fabriqué par le laboratoire Novartis (Distilbène étant le nom de la molécule fabriquée par UCB Pharma).
Sur les ordonnances, il apparaît que ma mère a pris du Stilboestrol depuis avril 1969 à début février 1970 (un comprimé quatre fois par jour) et ensuite du 7 février 1970 jusqu’à ma naissance, en avril 1970 (deux comprimés par jour).
Il faut noter que dans mon malheur j’ai eu l’avantage que le laboratoire concerné était Novartis : ils sont plus “arrangeants” qu’UCB Pharma. UCB fait systématiquement appel, Novartis pas forcément. Dans mon cas, il n’y a effectivement eu aucun appel.
L’avocat de Novartis a reconnu lui-même qu’il ne pouvait rien face à mon dossier et que c’était la deuxième fois en quinze ans de plaidoiries qu’une victime du Distilbène allait jusqu’au procès. Autrement dit, les autres victimes ont soit abandonné leur procédure avant la fin, soit accepté un arrangement à l’amiable.
Au cours des six mois précédents le procès, Novartis m’a par trois fois proposé un arrangement à l’amiable. Ce qui prouve que le laboratoire était donc en faute. On ne propose pas de l’argent à quelqu’un comme ça, quand on n’a rien à se reprocher. C’est pour cela que je suis allée sereinement jusqu’à la fin du procès, refusant catégoriquement leur arrangement à l’amiable. Sachant que la somme proposée était bien inférieure à ce que je devais attendre.
En définitive j’ai obtenu 104.873€, Novartis m’avait proposé une moindre somme à l’amiable. J’ai versé 10% à l’avocate en honoraires de résultats. J’ai eu pour 20.000€ de frais environ, qui m’ont été remboursés, puisque j’ai gagné le procès.
Sur ces 104.873€, mon père a obtenu 6.000€. Ma mère aurait eu droit au double, mais elle est décédée deux mois avant l’issue de mon procès. L’avocate a également fait valoir cela lors du procès. Car c’est une affection supplémentaire qui m’empêche de “savourer” pleinement ma victoire. Si j’ai gagné, c’est grâce à ma mère qui a gardé les ordonnances et elle est décédée sans savoir si j’avais réellement gagné.
Le Stilboestrol lui avait été prescrit car elle faisait des fausses couches à répétition. Comme elle a eu beaucoup de mal pour avoir des enfants et que c’était son désir le plus cher, elle a gardé tout ce qui était en lien avec ses grossesses, et donc les ordonnances.
Il faut donc noter essentiellement pour celles qui voudraient s’engager dans une procédure que l’ordonnance est évidemment un élément des plus importants, mais qu’il faut également le lien direct des conséquences avec cette exposition in utero au DES.
J’avais en ma possession une radio où l’on voit nettement mon utérus typique distilbène.
Je recommande au cours de l’expertise de se faire assister par le Pr Blanc de Marseille, qui accepte d’intervenir pour les expertises Distilbène, aux côtés des victimes. Son intervention a été aussi un facteur très important pour le procès. Il a un coût bien sûr, mais cela en vaut vraiment la peine.
Il est évident qu’on ne “s’improvise pas” victime du distilbène si on n’a pas au moins un élément prouvant un lien avec celui-ci. Ce serait trop facile, la partie adverse faisant valoir que l’infertilité, par exemple, peut être due à bien d’autres causes que le Distilbène.
Je recommande également à celles qui souhaiteraient engager une procédure de demander conseil au Réseau D.E.S. France, une association de très bon conseil et d’une aide très précieuse. De mon côté, si certaines souhaitent des renseignements complémentaires, je me tiens à leur disposition (gratuitement bien entendu).
Sandrine